L’innovation ne se qualifie pas uniquement par le pitch marketing qui la présente. Elle se caractérise par les différents niveaux, visions et typologies dans lesquels elle est impliquée. De nombreuses définitions existent selon les métiers et les objectifs poursuivis. Voici l’essentiel, jusqu’à ce que l’innovation devienne un standard.
Historiquement, c’est l’économiste Joseph Aloïs Schumpeter qui a défini l’innovation comme l’introduction d’une nouveauté qui détruit l’existant, c’est la célèbre « destruction créatrice » (Schumpeter, 1934). Cette nouveauté peut prendre diverses formes tel un nouveau produit, une nouvelle méthode de production, un nouveau marché, une nouvelle organisation (OECD and Eurostat, 2005a).
La nouveauté est qualifiée d’innovation si elle s’intègre à son environnement, répond ou crée un marché. C’est la résultante d’un processus. La norme française FD X 50-271 définit ce processus comme « un processus qui conduit à la mise en œuvre d’un ou plusieurs produits, services, procédés, formes d’organisation, modèles d’affaires, nouveaux ou améliorés, susceptibles de répondre à des attentes implicites ou explicites et de générer une valeur économique, environnementale ou sociétale pour toutes les parties prenantes ».
Les niveaux d’innovation
L’innovation est impliquée à plusieurs niveaux au sein d’une entreprise. On peut classer ces différents niveaux ainsi :
- Global, celui des domaines d’activités et des écosystèmes dans lesquels interagissent les entreprises, organismes et institutions.
- Entreprise, celui du management de la capacité d’innovation et du choix de la stratégie d’innovation.
- Projet, un niveau organisationnel qui supporte la conception de l’objet d’innovation.
- Individu (ou groupe), l’ensemble des acteurs qui peuvent intervenir dans le processus d’innovation.
- Objet, qui se rapporte à l’objet tangible ou intangible développé par l’entreprise et mis sur le marché.
Les visions de l’innovation
En complément de l’agencement par niveaux, il existe aussi une classification par vision de l’innovation. Ces visions peuvent être considérées sous l’angle de multiples « approches métiers » :
- Economique, l’innovation est la mise sur le marché d’un produit, procédé ou service nouveau qui génère de la valeur.
- Opératoire, un processus ou une combinaison de processus de transformation d’une idée en objet nouveau.
- Cognitive, une évolution et une utilisation de la connaissance.
- Systémique, un processus qui mène d’une idée à un produit, un service, un procédé, un modèle ou une organisation innovante et par le résultat de ce même processus.
- Biologique, un processus naturel qui provoque des changements lents chez une espèce.
- Sociologique, un processus d’influence qui conduit à un changement dont l’effet est un rejet des normes existantes et l’adoption de nouvelles.
Les typologies de l’innovation
La littérature contient une multitude de typologies d’innovation. Caractériser les types d’innovations permet entre autres de faire un choix sur le processus de conception et implicitement de communiquer.
En voici quatre :
- L’innovation radicale ou de rupture, utilisée pour décrire la création d’une nouveauté provoquant un changement de paradigme sur le marché. Ces innovations rendent l’existant obsolète.
- L’innovation incrémentale, plus proche de l’optimisation, de l’amélioration et du changement mineur.
- L’innovation de produits, l’introduction d’un nouveau bien ou d’une nouvelle qualité de bien, tangibles ou intangibles, qui rencontrent le besoin d’un utilisateur externe ou d’un marché.
- L’innovation de processus, l’introduction d’une nouvelle méthode de production et l’introduction de nouveaux éléments au sein du système de production, par extension l’introduction d’une nouvelle organisation.
Le design dominant
On ne peut évoquer les différents niveaux d’innovation, les différentes visions, ni les différentes typologies, sans évoquer le concept de design dominant.
Un design dominant dans une classe de produits est, par définition, celui qui gagne l’allégeance du marché, celui auquel les concurrents et les innovateurs doivent adhérer s’ils espèrent conquérir un public important sur le marché.
Utterback, Mastering the Dynamics of Innovation
Le design dominant prend généralement la forme d’un nouveau produit (ou d’un ensemble de fonctionnalités) synthétisé à partir d’innovations technologiques individuelles (innovations incrémentales) introduites indépendamment dans des variantes de produits antérieures » (Utterback, Mastering the Dynamics of Innovation).
Ce concept tend à montrer que le nombre d’innovations radicales de produits à l’intérieur d’un marché tend à chuter à la suite de l’apparition d’un modèle « stable », autrement dit d’un standard. Un produit qui atteint son design dominant, qui devient un standard, est caractérisé par le fait que ses propriétés technologiques et commerciales sont stabilisées. Il possède une description fonctionnelle, des critères de performances figés et un modèle commercial déterminé. Dès lors, l’apparition du design dominant met fin au développement d’innovations radicales de produits et accélère le développement d’innovations incrémentales et de processus.
“Quel que soit son niveau ou son type, l’innovation apporte une valeur ajoutée. L’un des enjeux majeurs est de pouvoir capter cette valeur, d’en être le détenteur et de sécuriser cette détention. Le secret des affaires, le brevet, le droit d’auteur, les dessins et modèles, les marques, les appellations protégées… sont autant de moyens adaptés. Ils peuvent être utilisés séparément ou combinés judicieusement pour renforcer la protection et la valorisation. C’est un des volets de la stratégie de management de l’innovation.
Cet article a été rédigé à partir de la thèse de Adrien Lecossier. « Proposition d’un modèle de la phase amont de l’innovation pour permettre à une entreprise industrielle mature de créer des innovations radicales ». Génie des procédés. Ecole nationale supérieure d’arts et métiers – ENSAM, 2018. Français. ffNNT : 2018ENAM0042ff.
Cet article fait partie d’une série intitulée « L’innovation de l’idéation à l’exploitation ». Cette série aborde certaines composantes de l’innovation afin de mieux appréhender cet univers. Si tout le monde peut avoir une idée, c’est un long processus que de la matérialiser, la tester, l’industrialiser, la commercialiser, et bien entendu valoriser et protéger la propriété intellectuelle qui en est issue.
Différencier création, invention et innovation, idéation et créativité
Distinguer les niveaux, visions et types d’innovations
La capacité d’innovation ou la capacité à innover
Les principaux modèles d’innovation
Valoriser et exploiter une innovation
La valorisation économique des innovations
La stratégie de propriété intellectuelle
